Nous parlons beaucoup du CBD dans nos articles car c’est le principe actif du chanvre en vente libre en France. Qu’en est il de l'utilisation du cannabis médical ?
Cannabis thérapeutique : projecteur sur les cannabinoïdes, les terpènes peu scrutés
Le cannabis est composé de centaines de molécules dont les plus grands groupes sont les cannabinoïdes et les terpènes. Il est difficile d’étudier en même temps autant de principes actifs, les chercheurs se sont focalisés sur les cannabinoïdes les plus présents dans la plante : le THC (psychotrope) et le CBD (non psychotrope). Les essais portent autant sur les formes naturelles que synthétiques. Plusieurs médicaments ont déjà été commercialisés comme l'Epidyolex (CBD pur), le Sativex (CBD +THC naturels purifiés), le Césamet ou le Marinol (THC modifiés synthétiques). Ces médicaments côtoient le cannabis sous forme inhalée et huileuse.
USA et Canada : les moteurs de la recherche et de la consommation
L’utilisation du cannabis (médical ou non) est surtout étudiée aux USA et au Canada. L’une des raisons est la crise des opioïdes. En Amérique du nord, le nombre d’addictions aux dérivés de la morphine est une véritable épidémie de santé publique (500 000 morts en 20 ans, état d’urgence décrété au Maryland). Cela provoque un besoin d’une alternative à ces composés.
Les propriétés du cannabis à l’étude sont nombreuses, ce qui peut être déroutant : action contre la douleurs, l’inflammation, l’anxiété, l’épilepsie, les vomissements, le cancer, etc. Cela tient aux nombreux récepteurs affectés par la même molécule (CB1, CB2, récepteurs à la sérotonine, etc.). Par ailleurs, le système endocannabinoïde n’a pas encore livré tous ses secrets, ce qui rend toute prédiction difficile. Il est clair que le cannabis possède des effets sur l’organisme, mais le manque de certaines connaissances ne permet pas de prédire sur quels patients il marchera, ce qui explique en partie les résultats inégaux observés.
Les enjeux de santé se mélangent également aux intérêts politiques et économiques, ce qui peut encore compliquer les études. Cependant, de nombreux signaux positifs existent concernant l’usage du cannabis médical.
Baisse de la consommation médicamenteuse (remplacement par le cannabis)
Baisse possible des dosages (association médicaments existants et cannabis). Cela pourrait permettre de diminuer le risque d’effets indésirables et le coût des traitements. Diminution de la consommation d’autres substances addictives. Le THC possède un certain risque d’addiction qu’il ne faut pas négliger, il est cependant bien plus bas que d’autres substances (benzodiazépines, opioïdes…)
Baisse du marché illégal
CBDV, CBN et CBG sont également étudiés, mais la majorité des financements se concentrent soit sur la plante entière soit sur les cannabinoïdes majeurs (CBD et THC).
Le cannabis thérapeutique en France
Il existe un seul essai (non clinique) en cours dans l’hexagone. Ce dernier reprend les indications principales dans le monde. Il n’a pas pour objectif de prouver l’efficacité du cannabis mais la faisabilité de la distribution. Le début de l’essai date du 26 mars 2021. Il devait durer 2 ans mais a été reconduit un an supplémentaire. Voici les indications qui peuvent permettre de participer à l’essai (voir sources en bas d’article):
- Certaines formes d’épilepsie sévères et pharmaco-résistantes (les traitements conventionnels ne fonctionnent pas)
- Certains symptômes rebelles en oncologie (liés directement à la maladie mais aussi aux médicaments anticancéreux)
- Douleurs neuropathiques réfractaires aux thérapeutiques accessibles
- Situations palliatives
- Spasticité douloureuses des pathologies du système nerveux central.
L’objectif est de suivre 3000 patients en tout, sachant que certains entrent puis sortent du dispositif (manque d’effet du cannabis ou mauvaise tolérance). En mars 2022 1036 patients étaient encore participants (sur 1450). Il faut dire que si les protocoles commencent par l’utilisation de CBD, la plupart évoluent vers un ratio équilibré CBD/THC qui soulage mieux les patients. Cela nécessite un suivi plus poussé et une vigilance plus contraignante. Les préférences patients confirment la synergie d’effet lorsque le CBD et le THC sont pris ensemble. En effet, les personnes préférant prendre du THC seul ne sont pas majoritaires, probablement à cause des effets indésirables. Les personnes participant à l’essai doivent signer un document à propos des risques qu'entraîne le THC lors de la conduite.
Les différentes voies
Les deux formes de référence sont la voie inhalée et alimentaire sous forme d’huile. La voie inhalée (par vaporisateur) est adaptée à la gestion de crise. Les effets sont rapides et puissants. Cependant, les poumons ne sont pas adaptés à cette utilisation sur le long terme. Cela peut poser problème pour les non-fumeurs, les asthmatiques ou toute personne souffrant de pathologie pulmonaire. Pour l’instant il n’existe pas de méthode plus efficace pour soulager rapidement.
Cette voie est donc complétée par une prise de fond, dont l’effet est plus diffus : la voie digestive. Cette méthode possède une cinétique (vitesse d’action) plus lente. Les cannabinoïdes dissous dans de l’huile mettent plus de temps à faire effet (entre 30 minutes et une heure) mais agissent également plus longtemps. Il existe également des tests cosmétiques en cours concernant certaines maladies de peau liées à l’inflammation.
Les doses
En France, le rapport disponible (traitement de cancer) indique que les doses maximales de THC sont de 40 mg/j, 120 mg pour le CBD. Au Canada, la limite du CBD est fixée à 200 mg/j. Ces différents seuils sont dus à une grande variabilité de réponses des personnes et des objectifs des études. (sensibilités personnelles, intensité des symptômes, différentes pathologies…). Rappelons que lors d’un traitement à l’épidyolex , les dosages peuvent monter jusqu’à 20mg/kg ! cela prouve que le CBD est globalement bien toléré même si le nombre d'effets indésirable augmente forcément.
Les effets indésirables
Ils sont très variables en fonction des doses et des cannabinoïdes contenus dans le produit et de la pathologie. Le THC possède les effets les plus puissants mais aussi les plus gros risques. Addiction potentielle, toxicité cardiaque, accentuation des états paniques et paranoïaques…Une surveillance est nécessaire, d’autant plus qu’il affecte également les activités quotidiennes (réflexion, mémoire, conduite). Quant au CBD, la léthargie est l’une des conséquences indésirables les plus décrites avec un assèchement des muqueuses. D’autres symptômes considérés comme généraux (maux de têtes, troubles digestifs…) sont également présents et très souvent sans gravité.
Le plus important à surveiller est l’utilisation du THC chez les populations à risques (jeunes de moins de 25 ans, problèmes cardiovasculaires, personnes à risque mentalement). L’inhibition enzymatique est le second point de vigilance: consommer des cannabinoïdes peut ralentir le métabolisme de certains médicaments. Ils resteront ainsi plus longtemps dans l’organisme. Cela peut augmenter leur temps d’action et les chances qu’un effet indésirable survienne.
Cet effet qui est pour l’instant considéré comme négatif pourrait également représenter un moyen de diminuer les doses des médicaments tout en conservant le même effet. Ceci dit, actuellement, les traitements au cannabis restent nouveaux et peu de professionnels de santé sont formés à leur utilisation. Parlez de la prise de CBD à votre médecin si un traitement est en cours.
Le plus simple est de le comparer avec le pamplemousse, avec lequel il partage certaines propriétés d’inhibition enzymatique. Enfin, les doses bien être sont plus basses que les doses thérapeutiques de cannabinoïdes. Si une surveillance ne fait pas de mal, les risques d’interactions et d’effets indésirables sont plus faibles. En cas d’utilisation thérapeutique en France, vous serez accompagnés par des professionnels de santé.
Sources :
L’essai en France : https://ansm.sante.fr/dossiers-thematiques/cannabis-a-usage-medical
https://ansm.sante.fr/dossiers-thematiques/cannabis-a-usage-medical/cadre-et-mise-en-oeuvre-de-lexperimentation-du-cannabis-medical
Le cannabis aux Etats-Unis : https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0277953623000357?via%3Dihub
L’épidyolex, médicament à base de CBD : https://www.has-sante.fr/jcms/p_3184448/fr/epidyolex-cannabidiol
Usage du cannabis et effet sur les overdoses aux opioïdes : https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0277953623000357?via%3Dihub
Le cannabis légal (médical ou non) fait baisser la consommation de cannabis illégal : https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC6964395/
L’utilisation du cannabis (médical ou non) diminue la consommation de médicament : https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC9432746/
