Le cannabidiol, même s’il est globalement bien toléré, a un effet particulier sur le foie. Nous vous proposons dans cet article de détailler les effets que le CBD a sur cet organe extrêmement important.
Le foie : son rôle, ce qu’il s’y passe quand on consomme du CBD
Le foie est littéralement une usine de production et de transformation. Il est primordial pour notre survie car il s’occupe à lui seul de plusieurs centaines de réactions vitales pour notre santé (production de bile, de cholestérol, épuration du sang, synthèse et stockage d’énergie, etc.). Pour cela, il possède un grand nombre d’enzymes, qui sont des protéines spécialisées dans une action (ajouter un groupement chimique pour qu’un médicament soit plus facilement éliminé par exemple). C’est là que le CBD entre en jeu. Lorsqu’il est consommé par voie digestive, ce dernier arrive au foie dont l’un des rôles est d’épurer le sang. Il est alors traité comme toute molécule étrangère au corps: il est poussé vers la sortie ! C’est d’ailleurs pour cela que l’huile de CBD doit être gardée sous la langue.
La voie sublinguale permet d’éviter au maximum ce phénomène de destruction appelé effet de premier passage hépatique. Toutes ces opérations d’éliminations sont complexes et elles accaparent certaines enzymes du foie qui n’ont pas le temps de s’occuper d’autres réactions d’élimination. Les enzymes qui se retrouvent occupées à gérer le CBD sont ce qu’on appelle des cytochromes P450. Il en existe des milliers, classés en familles, chacunes spécialisées dans une réaction précise.
Le CBD n’affecte pas tous les médicaments
Consommer du cannabidiol occupe donc certaines enzymes spécialisées dans le traitement de molécules chimiques, dont les médicaments. Ce phénomène s’appelle l’inhibition enzymatique. Pour qu’il ait lieu, il faut que plusieurs critères soient réunis:
Consommation plusieurs jours d’affilée d’un produit au CBD qui diffuse dans tout le corps : huile de CBD ou voie inhalée.
Dosage conséquent : on considère que l'inhibition enzymatique a lieu au-delà de 5 mg/kg pour les médicaments les plus sensibles. Certaines études prennent une marge de précaution supplémentaire et recommandent 120 mg de CBD par jour. Cela représente moins de 2 mg/kg mais ces conclusions prennent en compte la prise de THC en même temps que celle de CBD.
Prise de médicaments spécifique : si le principe actif est géré par des cytochromes qui ne sont pas affectés par le CBD, il n’y a pas d’interaction ! Par ailleurs, Il existe dans l’immense majorité des cas une marge de manœuvre. Seules de rares molécules ont besoin d’un dosage très précis pour fonctionner et nécessitent une vigilance importante. On les appelle des médicaments à marge thérapeutique étroites.
Les conséquences de cette inhibition enzymatiques peuvent être multiples en fonction du médicament affecté. La plupart du temps, un médicament est absorbé sous forme active. Dans ce cas, il reste plus longtemps dans l’organisme avant d’être éliminé. Cela peut augmenter le risque de survenue d’effets secondaires mais également permettre d’augmenter les effets de la molécule. C’est donc une piste explorée par certains professionnels de santé pour diminuer les doses nécessaires de médicaments. Un cas plus complexe concerne les pro drogues, des médicaments qui sont sous forme inactive et ont besoin d’être activés dans le corps. Dans de (rares) cas, le CBD peut ralentir l’activité de ces principes actifs.
Molécules à surveiller et communication avec l’équipe soignante
Voici un exemple de médicaments à marge thérapeutique étroite : le lévothyrox, utilisé dans les pathologies de la thyroïde. Je choisis commence par lui car il traduit bien la nécessité de prudence sans pour autant être alarmiste. Ici, il s’agit surtout de surveiller les l’apparition d’effets indésirables. Les doses de CBD bien-être sont généralement trop faibles pour avoir un impact, même si une interaction est possible.
Par contre, pour des médicaments antirejets (tacrolimus par exemple), les risques sont bien plus grands (perte du greffon). La prise de CBD est plus risquée et doit être décidée avec l’équipe soignante, ce qui a été documenté dans une étude. Les concentrations du médicament ont été multipliées par 3 lors de la prise de CBD….mais la dose était comprise entre 2 et 3 grammes par jour ! Par ailleurs, sous forme de thé, le CBD ne provoque aucune interaction avec certains des anticancéreux géré par le même cytochrome (3A4). La forme de consommation et le dosage sont donc probablement importants. Le CBD est déjà conseillé dans certains cancers mais sa prise doit être évaluée au cas par cas.
D’autres molécules comme les benzodiazépines (certains antidépresseurs et somnifères) sont à surveiller. Le plus étudié est le clobazam, molécule donnée en même temps que de fortes doses de CBD dans des cas d’épilepsie. Comme pour le tacrolimus, les quantités de médicaments dans le sang ont augmenté. Si vous consommez des benzodiazépines, avertir votre médecin de la prise de CBD est important, d’autant plus que le CBD peut constituer une aide précieuse lors de la baisse progressive des doses de ces médicaments.
D’anciens anticoagulants comme la warfarine (coumadine) sont déconseillés en même temps qu’une prise de CBD (augmentation du risque d’hémorragies). Cependant ce type de traitement se raréfie car d’autres molécules possédant moins d’effets indésirables sont prescrits à la place.
Les cytochromes P450 sont classés en famille pour mieux différencier les milliers qui existent. Le CBD semble être métabolisé par les formes 2E1,3A4 et 2C19. Cependant, les études sont encore peu nombreuses, et parfois contradictoires : par souci de précaution, le traitement doit passer avant tout. Si la prise de CBD est envisagée alors qu’un traitement existe, mieux vaut en parler avec son médecin. Ce dernier peut décider de déconseiller la prise de CBD ou de commencer par des doses très faibles. Une surveillance peut également être nécessaire (apparition d’effets indésirables spécifiques à certaines molécules, analyse de certains marqueurs biologiques, etc.).
Le CBD n’est pas toxique pour un foie en bonne santé
Dans cet article, nous avons insisté sur des cas précis nécessitant une vigilance accrue. Cependant, si aucun traitement sensible n’est pris et que le foie est sain, le CBD est très bien toléré. Le dernier cas particulier serait une personne dont le foie ne fonctionne pas correctement. Insuffisance hépatique sévère, hépatites, cirrhoses sont des contre indications d’utilisation du CBD. Une surveillance du bon fonctionnement du foie peut être nécessaire lors de la prise de haut dosage de CBD. Lors des études, certains patients ont dû stopper la prise de cannabidiol car cela demandait trop de travail à leur foie. Cependant, après que le CBD ait été éliminé de leur système, le bilan hépatique est revenu à l’état d’origine. Les quantités de CBD nécessaires à ce résultat sont d’ailleurs 10 à 50 fois plus élevées que ce que nous conseillons !
Le CBD est une molécule aux vertus apaisantes qui est globalement très bien tolérée mais il faut penser aux rares personnes pour qui ce n’est pas le cas (hypersensibilité, allergies, traitements…). Nous conseillons toujours de parler de la prise de CBD à votre médecin traitant et de commencer par des doses faibles afin d’évaluer votre réaction au cannabidiol.
Sources :
Dossier ANSM de l’essai cannabis médical, aller tout en bas de la page (critères d’inclusion) : rapport d’expertise GPCO en PDF
CBD et traitement anti rejet (tacrolimus)
Le cannabis médical (infusion) n’a pas d’influence sur certains traitements anticancéreux (Irinotecan and Docetaxel)
